Quand viendra la lumière…
Célia et Demilson habitent en zone rurale dans l’état de Rio de Janeiro au Brésil. Ils viennent de la ville et réalisent le rêve d’avoir un petit lopin de terre à cultiver. Ils font partie des 142 familles qui habitent le lotissement agricole de Serra Queimada, ancienne propriété rurale qui a été divisée en parcelles par un programme d’accès à la propriété. Leur maison est simple, encore inachevée. Les murs sont en briques. Le salon et la chambre sont embellis par des luminaires pendus au plafond. Ils comptent plusieurs appareils électriques : machine à laver, chaîne hi-fi, téléviseur, mixeur, robot… Drôle d’arsenal dans une maison sans électricité ! A la nuit tombante, Célia regarde au loin les lumières de la porcherie, unique vestige conservé de l’ancienne exploitation. A quelques centaines de mètres de sa maison, c’est le seul endroit à compter une installation électrique. La lumière y est allumée toute la nuit, mais seulement pour les cochons ! Célia et Demilson, ainsi qu’Alcir, Gleide, Juranda, Seu Santinho font partie des 12 millions de brésiliens habitants les zones rurales sans électricité. En 2004 le gouvernement Lula a lancé un projet d’électrifications appelé « Luz para todos » (lumière pour tous). Jusqu’à la fin 2008, toutes les maisons des paysans devraient recevoir au moins une installation électrique. Quand viendra la lumière… est un projet photographique qui porte un regard sur quelques familles bénéficiaires du programme Luz para Todos. A raison d’un voyage par an durant quatre ans, cette approche par le portrait et les images de ces foyers ruraux de l’Etat de Rio ouvre une réflexion sur l’accès à l’électricité. Quelques images des favelas de Rio, où grand nombre d’habitants utilisent des liaisons électriques clandestines faute de moyens financiers, complètent ce témoignage sur la modernité électrique. Cachoeiras de Macacu, Paraty, Macaé, à chaque endroits des histoires de vie, des rêves de lumière, des envies d’un progrès possible, d’une vie meilleure. Les premières images témoignent de la vie qui suit le rythme du soleil où l’on se lève tôt pour profiter de la journée, où l’on travaille dur, sans autre aide que certains outils et ses propres mains. On se couche tôt, pour économiser les bougies. Dans ces vies tributaires des contraintes naturelles et du cycle solaire, il y a des rêves d’eau fraîche un jour de forte chaleur et de frigo qui conserverait aussi les aliments ou encore une télé pour voir le journal et les fameuses novelas. Puis certaines familles ont commencé à recevoir les installations électriques, à accéder enfin à la lumière. D’autres, situées dans des zones de protection environnementale n’ont pas pu avoir l’équipement nécessaire et seront sûrement aménagées de panneaux solaires. Avant et après, avec et sans l’électricité, un cap est en train d’être franchi pour des milliers de brésiliens. Pour certains, l’arrivée de cette énergie a été le moteur d’un changement considérable dans leur mode de vie : amélioration de la production agricole avec l’aide des équipements mécaniques, transformation du rythme du travail dans une région équatoriale où le soleil se couche à 18 heures toute l’année. L’arrivée de ce progrès amène confort, modernité, accès à l’information dans des vies qui ne sont plus obligées, la nuit tombante, de s’éclairer à la lueur d’une bougie. A travers ce projet photographique, on pénètre dans l’intimité de ces familles rurales dont le destin semblait scellé à la volonté de la terre et du soleil. Voilà qu’on découvre que bien loin de la tradition, ces campagnes brésiliennes ont entrepris en leur cœur de profondes mutations.
Angra dos Reis, Paraty, Casimiro de Abreu, Cachoeiras de Macacu,
Macaé et Rio de Janeiro – RJ, Brésil